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Denise Mermillon


Marchand de tableaux



La carrière d’un peintre, c’est le parcours du combattant : un chemin semé d’embûches. Certains abandonnent aux premières difficultés, d’autres s’accrochent et contournent les obstacles.

Michel Maly a connu des années difficiles depuis sa première exposition à Lyon en 1959. Mais, comme sa vocation profonde était de manier brosses et pinceaux, de triturer les couleurs, avec opiniâtreté il a su éliminer toutes les difficultés qui encombraient sa route. Patiemment il s’est imposé comme l’un des peintres les plus importants de sa génération.

A notre époque où les tacherons du bidule s’essoufflent à vouloir prouver qu’ils vont de découvertes en innovations ( confiseries burenniènes : sucre d’orge mi-réglisse mi-guimauve ; verrerie kossutheuse ou warholinade joyeusement publicitaire) il est sain et réconfortant de suivre l’itinéraire d’un peintre contemporain (*) dans sa démarche résolument à contre courant de la mode. Un peintre pour qui la peinture est avant out émotion, un peintre pour qui la peinture c’est la toile, les tubes de couleurs, le geste, la palette et son faisceau de pinceaux.

Maly, c’est un regard tendre et amusé qu’il porte sur son entourage ; le chat s’étirant debout contre la vitre, le bouquet éclatant qui vibre des sensations tactiles, c’est aussi le serveur un peu gauche, le musicien en quête d’inspiration. Son univers s’ étend Nors-Sud : de la mer du nord où l’œil se perd dans la grisaille d’un ciel sans limite aux Venise diaprées  de lumières tremblantes d’un crépuscule rose, sans cesse le voyageur note, dessine, inscrit, mémorise, puis d’un saut nous transporte à New York et à Frisco, villes monolithes des temps présents où la verticalité des gratte-ciels éparpille les nuages baladeurs tandis qu’à leurs pieds un grouillement humain serpente sous les ondulations des oriflammes multicolores.

Une rencontre fut déterminante dans l’évolution de sa peinture. Dans les années 1966 sa rencontre avec le critique Georges Besson.

C’était quai grenelle, j’avais déjeuné chez Georges Besson et nous attendions Michel Maly pour prendre le café. Il arriva très ému. Georges besson n’était pas d’un abord facile. Calé dans l’encoignure d’un canapé, sa pipe vissée au coin de la lèvre il ne disait rien, examinant sévèrement les toiles apportées par le jeune artiste, l’œil scrutait attentivement. Pas un mot. Soudain je vis dans son regard une petite lueur que je connaissais bien. Georges Besson venait de rencontrer un peintre tel qu’il les aimait, appréciant le travail en connaisseur Son soutien était acquis. Un peu plus tard Michel Maly obtint le prix Fénéon.

Lyon, Paris, Belgique, suisse, Allemagne, après cet itinéraire Européen, le Japon, et sans doute demain l’Amérique. Michel maly par un labeur obstiné a su construire une œuvre solide et généreuse qui défie le temps et les modes, nul doute qu’il ne nous étonne encore.

(*) Je dis bien CONTEMPORAIN, ce terme n’est pas réservé aux faiseurs de tapisseries raccommodées et aux montreurs de caisses à savons.

 

Denise Mermillon  1991




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